L’étude du passé est cruciale car la façon dont nous agissons et les grandes décisions que nous prenons concernant notre avenir sont influencées par la perception que nous avons de notre propre histoire. Penser l’avenir exige donc de décrypter le passé.

Par exemple, si nous considérons que la nature humaine est violente, nous aurons tendance à privilégier les stratégies basées sur la méfiance et les mécanismes sociaux basés sur le contrôle. A l’inverse, si nous considérons que l’être humain est essentiellement bon et pacifique, nous allons privilégier l’ouverture et la confiance.

Afin de comprendre ce que sont les civilisations, il est donc nécessaire de s’en décentrer radicalement. Cela nécessite de trouver un point de comparaison afin de réaliser en quoi leur apparition a altéré le psychisme collectif. L’une des meilleures façons d’y parvenir est de comprendre comment se comportait l’humanité avant leur apparition.

Une telle mise en perspective est possible à travers l’étude des peuples racine, dont un certain nombre sont encore en vie aujourd’hui. En les observant, il devient possible de recueillir des informations extrêmement précieuses sur la nature humaine telle qu’elle existe dans son état originel, mais aussi sur les conditions nécessaires à la construction d’une humanité emancipée des maux qui l’entravent aujourd’hui.

Le terme de kernel vient de l’informatique et désigne le noyau logiciel qui concentre les principales fonctions qui organisent l’usage des ressources d’un système d’information. Par analogie, le PsychoKernel désigne donc le complexe inconscient qui pilote nos capacités sociocognitives et émotionnelles depuis des millénaires.

Il est composée de 5 éléments :

Le récit est le produit de la mise en contact de la conscience avec le mystère du réel. Fondamentalement, notre conscience ne comprend qu’à travers des paradigmes traduit par des narratifs qui structurent notre perception de nous-mêmes, du monde et des autres.

Les croyances collectives sont le produit de l’interaction entre le récit et l’environnement dans lequel évoluent les humains. La technique, en particulier, altère profondément notre psychologie et notre biologie, le plus souvent sans que nous nous en apercevions.

Les cadres systémiques traduisent les croyances sous forme de règles invisibles, de rituels et de rapports de dépendance qui vont influencer inconsciemment les comportements collectifs au sein des familles, des communautés et des organisations.

L’écologie interne est en grande partie le produit des cadres et elle se traduit par la façon dont notre identité se constitue. La structure de cette identité va à son tour déterminer la façon dont nous avons rapport à nos besoins et nos émotions et dont nous allons développer nos capacités.

L’écologie externe consiste dans tout ce qui se manifeste extérieurement dans les interactions des individus en société. La façon de communiquer, de décider, de partager les ressources, de travailler, de consommer, d’apprendre, de se projeter dans l’avenir, etc.

L’humanité première, parce qu’elle était soumise à une forte contrainte de survie, comprenait intuitivement le fonctionnement du PsychoKernel. En conséquence, elle prenait soin de l’être collectif en produisant des récits, des croyances et des cadres génératifs d’harmonie.

Mais au fur et à mesure que nous sommes entrés dans l’ère de la complexité civilisationnelle, nous avons perdu de vue la relation entre cette infrastructure psychique et l’état de la société. Nous nous sommes de plus en plus concentrés sur le gain de pouvoir au détriment du gain de conscience. Les récits se sont degradés pour devenir sombres et nihilistes; les croyances collectives sont devenues incapacitantes ; les cadres organisationnels se sont construits sur la méfiance et le contrôle plutôt que la confiance.

Cette entropie s’est accumulée au fil du temps, si bien que l’humanité mondialisée actuelle est sous l’influence de forces qui la poussent inconsciemment à l’autodestruction par une forme de suicuide passif. De ce point de vue, le fait que les populations aient aussi peu réagi depuis des décennies aux dangers d’un effondrement écologique global et de façon générale aux injustices, à la pauvreté, etc. peut finir par donner une image désespérante de l’humanité.

Mais en réalité, nous ne sommes pas prisonniers de notre nature. Nous sommes prisonniers d’une histoire. Une histoire qui a pris la forme des murs, des frontières, de l’argent, des classes sociales, des religions, des Etats, et qui se confond à ce point avec le fonctionnement du monde qu’il nous est extrêmement difficile de la remettre en question pour adopter d’autres récits sur le réel.

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